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Les conventions citoyennes locales  

Mathilde Gorza

MOTS-CLÉS : DÉMOCRATIE DÉLIBÉRATIVE, PARTICIPATION CITOYENNE, POLITIQUE PUBLIQUE, DÉMOCRATIE ALIMENTAIRE

Depuis quelques décennies, les concepts et les expériences de démocratie délibérative et/ou participative se développent partout dans le monde. Les années 1970 marquent le lancement d’expérimentations de démocratie délibérative basées sur la sélection aléatoire : les jurys citoyens sont inventés en Allemagne et aux États-Unis. À la fin des années 1980, les conférences de citoyens voient le jour au Danemark et les sondages délibératifs sont expérimentés par Fishkin aux États-Unis. Les assemblées citoyennes sont initiées en 2004 au Canada. L’une des expériences les plus emblématiques est celle de l’Islande en 2010, dans laquelle les citoyens tirés au sort ont réfléchi à la construction du cahier des charges de la nouvelle constitution (Courant et Sintomer, 2019). Ce dispositif d’assemblée citoyenne, appelé également convention citoyenne, se décline maintenant aussi à des échelles locales.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES DÉMARCHES DE PARTICIPATION ET DÉLIBÉRATION CITOYENNE

Le développement de divers dispositifs de démocratie participative
La démocratie participative est pensée en partie comme une réponse à la crise de légitimité de la représentation politique, qui apparaît en décalage avec les attentes des citoyens. Elle s’incarne à travers différents dispositifs visant l’association des citoyennes et citoyens au processus de décision politique, en insistant sur le pouvoir d’agir. À partir de la fin des années 1990, plusieurs lois vont instaurer des outils participatifs à l’échelle locale. La loi Voynet, en 1999, a mis en œuvre des conseils de développement à l’échelle intercommunale dans lesquels sont associées des composantes de la société civile. La loi dite « démocratie de proximité » de 2002 instaure des conseils de quartier dans les villes de plus de 80 000 habitants. Ces dispositifs se sont ainsi inscrits peu à peu dans le paysage de la politique locale. À l’échelle des collectivités locales se sont aussi mis en place des budgets participatifs, qui représentent aujourd’hui l’un des dispositifs participatifs les plus répandus. Il permet à la population de voter sur une partie du budget d’investissement pour permettre la réalisation de projets initiés par des citoyens (Blondiaux, 2021).

La multiplication des expériences d’assemblées citoyennes
Les assemblées citoyennes sont également des dispositifs de plus en plus mobilisés. Ils relèvent de la démocratie délibérative, concept se distinguant de celui de démocratie participative par l’accent mis sur la qualité de la discussion préalable aux prises de décisions. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a recensé plus de 250 expériences de ce type en 2020 et parle de « vague délibérative » (OCDE, 2020). Le principe d’assemblée ou convention citoyenne est le suivant : un groupe représentatif de la société est constitué par tirage au sort, auquel est demandé d’émettre un jugement ou de produire des propositions sur un sujet précis après s’être confronté à un processus d’information contradictoire et de plusieurs séquences de délibération. Bien souvent, ces assemblées sont consultatives, mais leur travail peut faire l’objet d’un traitement obligatoire par les autorités élues. À l’échelle nationale, la France a expérimenté pour la première fois ce dispositif avec la création de la Convention citoyenne sur le climat en 2019-2020. L’innovation réside maintenant dans la déclinaison à l’échelle territoriale de cette méthode de participation citoyenne pour co-construire les politiques publiques locales. Cette étude se focalise précisément sur la convention citoyenne pour l’Occitanie et le rôle que peut tenir une telle démarche délibérative dans le développement d’une démocratie alimentaire, entendue comme un processus de gouvernance dans lesquels les citoyens reprennent la main sur leurs systèmes alimentaires (Paturel, 2020).

LA GENÈSE DE LA CONVENTION CITOYENNE D’OCCITANIE

L’Occitanie, un territoire d’innovation démocratique
La Région Occitanie s’est engagée depuis 2016 dans une démarche d’expérimentation d’outils démocratiques innovants : votations citoyennes, plateforme participative, assemblée territoriale, budgets participatifs, etc. En 2018, pour une durée de trois ans, la Région a signé une convention cadre de recherche-action avec l’association Démocratie Ouverte. Celle-ci lui apporte un appui méthodologique en matière de démocratie participative et délibérative (Démocratie Ouverte, 2020a). La figure 1 illustre l’ensemble des expérimentations démocratiques lancées par la Région Occitanie.

En 2018, la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée a fait de l’alimentation une grande cause régionale. Une consultation citoyenne a été lancée pour participer à la construction du plan alimentation de la Région, mobilisant près de 100 000 habitants d’Occitanie. À l’issue de ces étapes de consultation par réponse à des questionnaires et votation des thématiques prioritaires, le Pacte régional pour une alimentation durable en Occitanie a été adopté lors de l’Assemblée plénière du 18 décembre 2018.

Le lancement d’une convention citoyenne pour construire la société de demain, un mandat ambitieux
La crise sanitaire que nous traversons depuis 2020 a déclenché de fortes tensions sociales et économiques. Chaque territoire a dû faire face à l’urgence dans la gestion de cette crise, ce qui a amené à requestionner le modèle de notre société. La Région Occitanie, consciente de ces enjeux, s’est lancée dans la construction d’un plan stratégique de transformation et de développement (le pacte vert ou Green New Deal régional) en faveur d’un « territoire plus juste, plus solidaire et plus durable » (Région Occitanie, 2021). La Région, souhaitant intégrer la parole citoyenne dans la définition du Pacte vert régional, a décidé de mettre en place une convention citoyenne pour l’Occitanie (CCO) en 2020.

Si la Région Occitanie s’était déjà prêtée à divers exercices de participation citoyenne, le lancement d’une convention citoyenne est une initiative inédite, à la fois pour le conseil régional et à l’échelle d’une région française. Selon la Région Occitanie, le choix de cette méthode s’explique par la volonté de réfléchir ensemble au modèle de société future pour l’Occitanie. Elle entend donner toute leur place aux citoyens dans les processus de décisions politiques et leur redonner confiance en l’action publique.

Plus précisément, le mandat formulé pour cette convention citoyenne est le suivant :
« Dans le cadre des grands domaines d’intervention du conseil régional, quelles sont vos attentes et les mesures concrètes que vous préconisez pour améliorer la vie des habitant.e.s de l’Occitanie dans le contexte actuel et pour préparer l’avenir, en visant en particulier :
  la mise en place d’un nouveau modèle de développement durable, prenant en compte les défis environnementaux, économiques et sociaux actuels, pour assurer le bien-être de nos concitoyen.ne.s ;
  le renforcement des solidarités existantes et la création de nouvelles solidarités, pour assurer à chacun.e sa place dans notre société et pour une meilleure justice sociale ;
  de nouvelles pratiques démocratiques partagées renforçant la confiance des citoyen.ne.s dans l’action publique et la mobilisation de l’ensemble des habitant.e.s au plus près des enjeux des territoires. » (Delga, 2020)

UNE MÉTHODOLOGIE INSPIRÉE DE LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT

La convention citoyenne pour le climat (CCC), qui s’est déroulée entre 2019 et 2020, a rassemblé 150 citoyens français tirés au sort dans l’objectif de définir des mesures permettant de diminuer d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. À l’issue d’un travail régulier s’étalant sur neuf mois, les membres de la CCC ont remis 149 propositions au gouvernement français. Bien que la note de 3,3/10 ait été attribuée au gouvernement pour la prise en compte des propositions par les membres de la CCC, celle-ci a constitué une initiative innovante en matière de démocratie délibérative en France. La Région Occitanie a souhaité décliner la méthodologie employée par la CCC à l’échelle de son territoire.

Le déroulement général de la convention d’Occitanie
Dans le cadre de cette convention citoyenne, la Région Occitanie a travaillé avec différents partenaires : la Commission nationale du débat public (CNDP) saisie par la Région pour identifier un des garants de la convention, l’association Démocratie Ouverte pour l’accompagnement méthodologique et les deux prestataires EuroGroup Consulting et Missions Publiques pour l’appui à la structuration et à l’animation de la convention citoyenne régionale.

Au total, 109 citoyens, représentatifs de la diversité de la population du territoire, ont été tirés au sort pour participer à cette convention citoyenne. Ils se sont réunis lors de deux sessions de trois journées au mois de septembre 2020, puis sur une journée conclusive début octobre. À l’issue de ce travail, plus de 300 propositions, dont 52 identifiées comme prioritaires par les citoyens de la convention, ont été rendues à la Région. Suite à cela, une grande votation citoyenne ouverte à tous les habitants d’Occitanie a été lancée pour interroger l’ensemble de la population sur trois thèmes stratégiques définis par les membres de la convention citoyenne. Finalement, en novembre 2020, les résultats ont été présentés à l’assemblée plénière du conseil régional et les premières mesures ont été traduites en décembre 2020 dans le vote du budget 2021. La figure 2 reprend les étapes clés de l’organisation de la convention citoyenne pour l’Occitanie.

Une organisation des sessions assurant une diversité des sujets et des groupes de travail
Concernant le déroulement des sessions, la première journée a consisté en une présentation du mandat, de l’organisation des journées de travail, et en une explication des compétences et des activités déjà menées par la Région afin d’éclairer les citoyens sur les possibilités d’action. C’est sur la base de cette présentation que les citoyens ont été amenés à définir les thématiques de travail qu’ils souhaitaient approfondir. À l’issue de cette première journée, les thématiques qui ont constitué le socle de travail pour les sessions suivantes (alimentation, développement durable, culture, relance économique, éducation, etc.) ont donc été identifiées. D’entrée de jeu, l’alimentation est ressortie comme un sujet central à traiter pour les citoyens, comme l’indique un chargé de l’organisation de la convention citoyenne de la Région Occitanie. Ce constat souligne la capacité d’activation d’actions collectives sur les enjeux d’alimentation.

Les journées suivantes ont été structurées sous forme d’ateliers de travail thématiques, réunissant environ sept citoyens par table. Un système de roulement et de brassage des citoyens a été mis en place afin qu’ils puissent réfléchir à l’ensemble des sujets et en présence d’une diversité de participants.

TIRAGE AU SORT, AUDITION D’EXPERTS, ÉCOUTE ACTIVE : UNE INITIATIVE DÉMOCRATIQUE LOCALE AMBITIEUSE

Un échantillonnage représentatif de la population par tirage au sort
Les citoyens sélectionnés pour participer à cette convention sont représentatifs de la diversité de la population en Occitanie. Pour composer le panel de 100 citoyens participant à la convention, le conseil régional d’Occitanie a missionné l’institut de sondage certifié IRS Quality. Cette composition s’est réalisée de façon aléatoire, par téléphone. Pour assurer la représentativité de l’échantillon, différents critères ont été retenus : la diversité des territoires (au prorata de leur poids réel dans la démographie de la région), l’âge, la parité femmes-hommes, la diversité des catégories socioprofessionnelles, du niveau de diplôme et, enfin, les différents lieux d’habitation (rural, urbain, péri-urbain).

Pour faciliter la participation, les citoyens ont bénéficié de la prise en charge de leurs frais de déplacement, des repas, d’hébergement et ont reçu des indemnités de présence.

Une audition d’experts variés permettant la diffusion d’information aux citoyens
Lors du lancement de la convention, les citoyens ont assisté à une présentation des compétences de la région ainsi que des actions réalisées et en cours. Pendant toute la durée du travail d’élaboration de propositions, les débats des membres de la convention ont été enrichis par des réflexions et apports externes, en particulier par des rencontres d’agents de la région et d’experts. Cette structuration a pour objectif d’éclairer les citoyens pour qu’ils puissent émettre des propositions nouvelles, pertinentes et réalisables, sans pour autant orienter leurs opinions.

Les garants et animateurs des sessions de travail : facilitation du dialogue et contrôle de l’indépendance démocratique de la démarche
Afin d’assurer la liberté d’expression de chacun, faciliter les échanges entre les participants et contrôler le respect des règles démocratiques, chaque groupe de travail a été accompagné d’un animateur. De plus, trois garants de la convention, extérieurs à la région et nommés par la Commission nationale du débat public, le bureau de l’assemblée de la Région Occitanie et la présidente de la Région, ont assisté à l’ensemble du processus. Leur rôle a consisté à attester de la qualité des débats de la convention et de l’authenticité démocratique de la démarche.

LA CONVENTION CITOYENNE POUR L’OCCITANIE : ET APRÈS ?

L’évaluation des propositions citoyennes : un processus de longue haleine
Le suivi de l’évaluation et de l’application des propositions est nécessaire pour contrôler le bien-fondé démocratique de la méthode de participation citoyenne. Cet élément constitue souvent le piège des démarches participatives, dont la finalité peut s’apparenter plus à une consultation qu’à un engagement politique fort d’application des résultats d’une concertation citoyenne (Courant et Sintomer, 2019).

À l’issue de la convention citoyenne pour l’Occitanie, 345 propositions ont été présentées, dont 52 prioritaires pour enrichir le pacte vert. Concernant les propositions en lien avec la thématique « agriculture et alimentation », les six propositions prioritaires émises par les citoyens sont les suivantes :
  « aider les agriculteurs à commercialiser leurs produits en circuit court afin de favoriser l’accès aux produits sains et locaux ;
  favoriser les circuits courts pour une alimentation saine dans les cantines scolaires sollicitant l’économie locale ;
  réduire jusqu’à l’interdiction les traitements chimiques ;
  favoriser les pratiques agricoles permettant une meilleure adaptation au changement climatique ;
  accompagner les nouvelles installations agricoles sur les aspects fonciers et techniques ;
  encourager le développement de l’agriculture biologique par le développement d’un réseau de référents et le financement de la conversion vers le bio » (Région Occitanie, 2021).

Un comité de suivi, composé de quinze citoyens volontaires et membres de la convention, deux co-présidents de la CCO, trois vice-présidents de la Région et un représentant du bureau de l’assemblée, a été mis en place à la suite de la convention pour suivre la mise en œuvre des propositions. Le comité de suivi s’est établi en janvier 2021 et pour une durée de 18 mois. Les membres se répartissent en groupes de travail thématiques, avec trois thèmes abordés par trimestre et organisent des réunions chaque mois. Sur les 345 propositions, la Région en a retenu 208 et les autres sont encore en discussion au sein du comité de suivi.

En effet, les propositions qui n’ont pas été directement validées ont été classées selon deux catégories :
  les propositions hors du champ de compétences de la région : le comité a pour objectif de décider comment porter les recommandations auprès des acteurs compétents (autres collectivités locales, organismes publics, organismes privés, etc.) ;
  les propositions qui doivent faire l’objet de précisions pour aboutir à des mesures plus concrètes.

Les propositions ne relevant pas des compétences de la région méritent d’être interrogées. Cela peut être analysé comme une mauvaise compréhension des citoyens des compétences d’une région ou alors la volonté de donner plus de pouvoir à la région sur certains sujets.

Les premières réunions se sont déroulées par visioconférence, ce qui a impacté considérablement la qualité et l’efficacité des échanges, comme le constatent deux citoyens membres du comité de suivi. Cette modalité du distanciel a eu un effet démobilisateur, ce qui a conduit à organiser les réunions suivantes en présentiel.

Un retour des citoyens positif malgré un sentiment de manque de temps
Questionner le retour d’expérience des citoyens est essentiel dans le cadre de démarches délibératives. L’enjeu est de savoir s’ils se sont sentis écoutés, si la neutralité et la non-orientation ont été respectées, s’ils ont le sentiment d’avoir participé à une vraie concertation visant à la co-construction de politiques publiques, etc. Un échange avec deux participants et membres du comité de suivi a permis de répondre en partie à ces questions centrales. Il en ressort, selon eux, une grande satisfaction d’avoir participé à cet exercice démocratique, le ressenti d’un processus bien organisé et la présence d’une grande richesse apportée par la diversité des participants venant de tous horizons. Ils déplorent par contre la charge de travail dense, qui aurait pu être étalée sur davantage de sessions et aurait permis d’approfondir certaines propositions.

LES POINTS DE VIGILANCE CONCERNANT CETTE DÉMARCHE

Une démarche coûteuse, chronophage et technique
La convention citoyenne pour l’Occitanie s’est déroulée sur un temps court (sept jours de présence requis au total) pour un mandat qui peut paraître ambitieux. En effet, les citoyens ont dû prendre connaissance des compétences de la région, des actions mises en œuvre et définir des propositions sur des sujets très vastes et variés tels que l’alimentation, l’éducation ou la relance économique. Cette grande liberté d’action en matière de réflexion est appréciable pour garantir la liberté des citoyens, mais peut aussi constituer un frein à la formulation de propositions claires et précises. Parfois, les propositions apparaissent très générales et non opérationnelles comme « favoriser la consommation de produits locaux », ce qui rend difficile la définition d’une action concrète à appliquer et peut nuire à l’authenticité de l’exercice démocratique.

De manière générale, une convention citoyenne constitue une démarche chronophage pour les participants et les professionnels. Elle nécessite un long temps de conception de la méthodologie, de logistique et fait intervenir une grande diversité d’acteurs. D’autre part, le coût de cette démarche est élevé, estimé à près de 900 000 euros pour l’Occitanie, ce que tous les territoires ne peuvent pas se permettre.

Le risque d’instrumentalisation des outils de participation citoyenne par les pouvoirs publics
Outre les freins économiques, techniques et temporels, une vraie attention doit être portée au rôle réel des dispositifs de démocratie participative et délibérative dans la construction de politiques publiques. En effet, les initiatives démocratiques se développent de plus en plus et à différentes échelles. Le potentiel d’ouverture de la parole citoyenne est fort, à condition que l’ambition affichée correspondent bien à une réalité, que les citoyens soient entendus et que leur travail soit intégré aux politiques publiques. Sinon, une telle démarche démocratique risque de s’apparenter davantage à une stratégie de communication politique et à « un simple supplément d’âme aux structures classiques du gouvernement représentatif » (Courant et Sintomer, 2019, p. 11). C’est pourquoi le suivi et l’évaluation de ces démarches démocratiques délibératives sont cruciaux.

Des recommandations pour une convention citoyenne locale
L’association Démocratie Ouverte, partenaire de la convention citoyenne pour le climat et de celle de l’Occitanie, a émis quelques recommandations pour garantir le succès des déclinaisons locales des conventions citoyennes. Notamment, il apparaît nécessaire de définir un mandat clair ; de préciser directement comment les décisions seront prises pour étudier les propositions ; d’assurer l’indépendance de l’organisation et des garants ; de proposer une facilitation professionnelle et des méthodes d’écoute active poussées ; de permettre l’audition d’experts aux avis contradictoires ; d’assurer la transparence et la médiatisation des débats, ainsi que de laisser l’opportunité de droit de suite aux citoyens (Démocratie Ouverte, 2020b).

VERS UNE CONVENTION CITOYENNE CIBLÉE AUTOUR DE L’ALIMENTATION ?

Depuis le cas de l’Occitanie, de nombreux autres territoires français se sont lancés dans l’expérimentation de conventions citoyennes locales comme Nantes, Clermont-Ferrand ou encore Grenoble, ce qui témoigne de l’essaimage de l’initiative.

Actuellement, une expérimentation est en cours dans le Lubéron, menée par l’association Au Maquis qui porte un projet de sécurité sociale de l’alimentation (SSA). Ce projet consisterait à faire valoir le droit à une alimentation pour tous, comme c’est le cas pour l’accès aux soins avec la sécurité sociale de santé. Il s’agit d’expérimenter le fonctionnement d’une caisse locale dans les villes de Cadenet et de Pertuis. Pour cela, des critères de conventionnement doivent être définis. C’est la question à laquelle l’association Au Maquis souhaite répondre en impliquant les citoyens au sein de conseils locaux de l’alimentation, une adaptation du principe de convention citoyenne. En effet, l’association, accompagnée par des professionnels de la concertation, cherche à pallier les obstacles économiques que représentent le tirage au sort et le dédommagement des participants. Pour cela, Au Maquis cherche à mobiliser des citoyens aux profils variés en multipliant les lieux de recrutement (marchés, supermarchés, rues, etc.), ce qui, malgré tout, induit inéluctablement des biais de représentativité de l’échantillon. Toutefois, l’adaptation de la méthodologie des conventions citoyennes aux problématiques et moyens de chaque territoire apparaît comme une voie possible de développement de cette démarche.

L’adaptation de cet outil de démocratie délibérative sur le thème de la SSA invite à questionner plus largement l’alimentation comme sujet de mobilisation citoyenne. En effet, l’alimentation se révèle être un sujet multifonctionnel : les fonctions de l’alimentation ne se résument pas seulement à l’aspect biologique (assurer nos fonctions vitales), mais sont également sociales (vivre ensemble, partager), identitaires (appartenance à une famille, une culture, une communauté, etc.) et hédoniques. Cette multifonctionnalité de l’alimentation en fait un sujet fédérateur, qui apparaît particulièrement adapté pour être discuté, pensé et construit avec les citoyens, à travers des processus délibératifs comme les conventions citoyennes.

CONCLUSION

Les conventions citoyennes déclinées à l’échelle locales se développent depuis deux-trois ans. La force de cette démarche repose sur deux éléments clés. Premièrement, le recrutement des participants se fait par tirage au sort, ce qui permet d’avoir un panel de citoyens représentatifs de la population (âge, sexe, lieu de vie, catégories socioprofessionnelles, etc.). Deuxièmement, la mobilisation d’experts aux opinions diverses apporte des informations variées et contradictoires aux citoyens sur la thématique étudiée. Néanmoins, cela en fait aussi un dispositif lourd à mettre en place, au budget conséquent. L’ampleur du travail demandé aux citoyens se doit d’être considéré pleinement pour ne pas tomber dans le piège d’un simple outil de communication. De plus, une attention particulière doit être portée à la définition du mandat posé aux citoyens. Il faut réfléchir à un sujet qui soit à la fois ambitieux, fédérateur et qui fasse profondément débat. L’alimentation, remplissant ces critères, apparaît comme une thématique propice pour une convention citoyenne.

Auteure : Mathilde GORZA