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Le monde fait face au défi considérable qui consiste à parvenir à une alimentation durable et une sécurité alimentaire pour une population croissante aux modes de consommation toujours plus diversifiés, alors que les ressources naturelles se font sans cesse plus rares et que nous assistons à des changements climatiques (Isolina, 2016). Comment subvenir aux besoins de la planète tout en respectant l’environnement ? Une nouvelle dynamique de recherche, d’innovation et de synergie d’actions s’intensifie autour du secteur agricole. L’agriculture de précision (AP), notion apparue dans les années 1980, utilise les technologies de pointe au profit de l’optimisation des rendements et des investissements. Les bénéfices environne-mentaux et financiers semblent être évidents du point de vue de la recherche. L’Afrique de l’Ouest aurait-elle intérêt à exploiter les possibilités qu’offre la technologie actuelle ?
L’agriculture du futur est un challenge complexe aujourd’hui. Elle doit répondre à plusieurs enjeux :
→ augmenter les rendements pour répondre à la demande ;
→ garantir une alimentation saine ;
→ minimiser son impact environnemental.
L’agriculture doit donc améliorer ses performances économiques, environnementales et sociales. Les nouvelles technologies, et notamment les solutions de l’agriculture digitale, sont considérées comme un puissant levier pour relever ce défi. Grâce aux satellites, les champs peuvent désormais être scannés afin d’optimiser le pilotage des cultures, dont la gestion des intrants. Nous sommes entrés dans l’ère de l’agriculture de précision. Grâce aux drones, le zonage des sols (Figure 1) est rendu possible afin d’alimenter les indicateurs agronomiques, estimer des dégâts, détecter des maladies. Les tracteurs connectés prennent le relais pour optimiser la diffusion d’engrais et de semences. L’information ainsi rendue disponible auprès des agriculteurs est de plus en plus précise et spécifique à chaque parcelle. Les prévisions météo sont aussi des don-nées intégrées et l’impact sur l’activité de l’exploitation est d’autant plus maîtrisé.
Toutes les données sont collectées, stockées et analysées sur Internet, rendant possible le contrôle de l’exploitation sur tablette ou sur smartphone. Un cercle vertueux qui permet une baisse de dépenses et une augmentation de rendements dans le respect d’une nature mieux préservée.
Ce modèle d’agriculture utilisant des tech-niques de production particulières est essentiellement adapté aux agricultures capitalisées des pays industrialisés et contribue fortement au développement durable du secteur. Les avantages perçus sont principalement : une augmentation des rendements et/ou de la rentabilité de la production agricole, de meilleures conditions de travail, une diminution de la main-d’œuvre, une amélioration du bien-être animal et une gestion optimisée de l’environnement. Ainsi, l’agriculture de précision peut contribuer à atteindre une plus grande durabilité dans la production agricole.
En ce sens, l’agriculture de précision « peut jouer un rôle important pour répondre à la demande croissante de produits alimentaires, d’aliments pour animaux et de matières premières, tout en assurant une utilisation durable des ressources naturelles et de l’environne-ment », selon un rapport du Parlement européen de 2014, qui indique également que « l’agriculture de précision peut apporter beaucoup en termes de production alimentaire et d’environnement ». Dans le contexte africain où le secteur agricole fait encore face à de nombreux défis, notamment au risque lié aux changements climatiques et à la difficile transition d’une agriculture de subsistance vers un modèle économique plus performant, de nombreux acteurs estiment main-tenant que les outils numériques sont indispensables. Les pays africains pourraient exploiter les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour moderniser le secteur agricole et renforcer sa contribution à la croissance économique. La transformation de l’agriculture en Afrique semble demander une plus forte intégration dans les plateformes numériques de la part des petits exploitants, ce qui leur permettrait d’améliorer l’accès à l’information sur les pratiques et les marchés. Des mutations extraordinaires se produisent sur le continent africain et l’innovation technologique est l’un des protagonistes de ce changement.
Cette synthèse tente d’analyser l’intérêt de l’agriculture de précision en Afrique de l’Ouest et les voies possibles pour la diffusion de ces tech-niques, en présentant les actions d’E-tumba, une start-up qui cherche à faciliter le développement des technologies agricoles innovantes en Afrique.
L’étude clarifie ainsi tout d’abord la notion d’agriculture de précision, puis fait un état des lieux et analyse les possibilités pour la diffusion de cette technologie en Afrique de l’Ouest.
L’agriculture de précision est un concept qui est né aux États-Unis dans les années 1980. À l’époque, l’agriculture américaine se modernise. L’utilisation d’engrais, de produits phytosanitaires et d’eau s’accroît fortement et il devient important d’en optimiser l’usage afin de protéger l’Homme et l’environnement. Depuis lors, cette agriculture ne cesse de se développer dans d’autres pays. En France, cette pratique est connue vers les années 1990. L’agriculture de précision a donc pour origine le développement récent de technologies dont la mise en œuvre modifie considérablement la connaissance et la gestion des systèmes de production agricole. Ces technologies se caractérisent par :
→ le développement massif de systèmes automatiques de mesure, qu’ils soient fixes (station météorologique, capteurs sur la plante, etc.), embarqués sur piétons, animaux ou machines (capteurs de rendement, capteurs de biomasse, capteurs de chlorophylle, etc.), ou aéroportés (drones, avions, satellites, etc.) ;
→ la géolocalisation systématique de ces informations grâce à l’utilisation de systèmes de positionnement absolu (Global Positioning System ou GPS) ;
→ le développement de systèmes permettant de stocker, de visualiser, de manipuler et d’échanger de gros volumes d’information.
L’apport majeur de ces technologies est ainsi la connaissance de la variabilité spatiale et temporelle du système de production.
Plusieurs auteurs ont proposé une définition formelle de l’AP (Searcy, 1994 ; Godwin et al., 2003 ; Taylor et Whelan, 2005). Nous retiendrons dans le cadre de cette étude la définition de Robert (2000), qui définit l’AP comme « l’application d’une stratégie holistique de gestion agricole, qui utilise les technologies de l’information pour profiter de données de sources multiples, afin d’optimiser les décisions relevant de la gestion agronomique des cultures, du marketing, du financement, de la gestion du matériel et du personnel ». En des termes similaires, McBratney et al. (2005) suggèrent de considérer l’AP, à l’échelle de l’exploitation, comme « un type de conduite visant à augmenter le nombre de (bonnes) décisions par unité d’espace et de temps, ainsi que les bénéfices nets qui y sont associés ». En pratique, l’AP est un ensemble de méthodes basées sur l’information et visant à optimiser les performances d’une exploitation agricole sur plusieurs plans :
→ technique (maximiser les performances agronomiques de l’exploitation) ;
→ économique (optimiser le gain économique de l’exploitation) ;
→ environnemental (limiter les impacts des pratiques de l’exploitation).
Les pratiques agricoles de l’exploitation ont pour vocation à être optimisées selon chacun de ces plans en prenant en compte les variabilités spatiales et temporelles que peut présenter l’outil de production (Tisseyre, 2005). La détection de ces variabilités est assurée par les moyens issus des sciences de l’information (capteurs, au sens large du terme). Cette définition de l’AP concerne toutes les productions agricoles, qu’elles soient animales ou végétales.
Le principe de l’agriculture de précision est de distribuer les ressources nécessaires à la production agricole dans l’espace en tenant compte des besoins spécifiques de chaque unité d’espace et de l’hétérogénéité du milieu, afin d’appliquer les ressources spécifiquement aux endroits où elles doivent être utilisées avec efficience. En pratique, cela se traduit par des techniques particulières de production qui sont essentiellement adaptées aux agricultures fortement capitalisées des pays industrialisés ; des agricultures mécanisées, permettant d’embarquer toute une série de capteur dans les machines qui parcourent les champs, ces capteurs évaluant les besoins en intrants en fonction de la localisation.
De ce point de vue, l’agriculture de précision est encore très balbutiante en Afrique de l’Ouest.
Il y a peu de systèmes qui correspondent à cette technologie. Toutefois, cette technique est en train d’émerger dans certains endroits, dans les zones ayant une pluviométrie au-dessus de 800 mm, notamment : au sud du bassin arachidier du Sénégal, au sud du Mali et au sud du Burkina Faso (Affholder, 2019). Il y a dans ces régions des dynamiques de mécanisation en lien avec la croissance du marché du maïs, plus généralement du marché des céréales valorisables dans l’industrie de l’alimentation pour le bétail. Les pays africains aujourd’hui tirent parti d’une augmentation de la demande en céréales en développant des filières d’élevage, pour lesquelles les céréales sont des intrants majeurs. Il y a donc une tendance actuelle à développer la culture du maïs avec une partie des revenus tirés du marché par les producteurs qui réinvestissent dans la mécanisation. C’est effectivement une forme de révolution agricole qui se déroule dans certains endroits d’Afrique de l’Ouest.
Le retard que connaît l’Afrique dans le domaine est principalement dû aux difficultés d’accès à Internet (couverture réseau pour accéder à l’information), au matériel informatique (ordinateur), au très faible niveau d’éducation des producteurs, au manque de données de terrain, à l’insuffisance des infrastructures, etc. Cela rend l’agriculture de précision au niveau des petits producteurs très compliquée. E-tumba, une start-up qui développe des innovations numériques et agronomiques pour les exploitants des pays en développement, tente d’amener cette agriculture de précision sur-tout vers les filières d’agriculture contractuelle, au sein desquelles les producteurs sont davantage structurés. En effet, sur cette partie d’Afrique de l’Ouest, seule l’agriculture contractuelle pilotée par les agro-industriels semble être à même de bénéficier de cette technique, bien que la plupart des producteurs disposent d’outils numériques.
Si l’on tient compte simplement du principe de l’agriculture de précision, on peut considérer que les agriculteurs africains pratiquent déjà une agriculture de précision dans le sens où ils utilisent les ressources dont ils disposent de la manière la plus efficiente possible. Ils n’ont en effet pas réellement le choix : du fait de leur pauvreté, il leur faut éviter tout gaspillage de ressources. Ainsi, les agriculteurs pauvres pratiquent la plupart du temps une agriculture de précision, allouant les ressources dont ils disposent, y compris les ressources en travail, aux activités dans lesquelles elles vont produire le plus. Ils recherchent ainsi le meilleur rapport entre les quantités produites et les quantités d’intrants fournis. Dans la perspective d’avoir une agriculture plus efficiente et qui ne gaspille pas les ressources, ce principe est fortement respecté en l’Afrique de l’Ouest. On ne met pas de pesticides ou d’engrais là où n’y a pas besoin d’en mettre, et cela paraît être un principe général qui est vertueux.
L’intégration des TIC dans l’agriculture en Afrique est-elle alors une nécessité ?
S’inscrivant dans l’objectif de rendre l’agriculture africaine plus performante et compétitive, E-tumba, une start-up basée à Montpellier, participe depuis 2015 à la mise à disposition des dernières innovations numériques et agronomiques pour les grandes exploitations agro-industrielles et les petits exploitants des pays en développe-ment , notamment en Afrique de l’Ouest. E-tumba est un acteur de l’agriculture de précision qui conçoit des logiciels et des outils numériques de conseil et d’aide à la décision.
Les outils fournis par E-tumba visent à produire des recommandations agronomiques pertinentes individualisées au niveau de la parcelle et à les diffuser directement auprès des agriculteurs (petits et grands) et des techniciens d’appui-conseil.
Sur le terrain, notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, etc., E-tumba s’intéresse à l’agriculture contractuelle (contract farming). Dans cette agriculture, le producteur travaille de concert avec un agro-industriel qui lui fournit des intrants et l’assistance technique nécessaire ; en contrepartie, l’agro-industriel rachète la production à la fin de la saison, en déduisant son investissement de départ en termes de conseils et d’intrants et en payant au producteur le restant dû. Dans ce modèle, les deux parties ont intérêt à travailler ensemble. Les outils numériques fournis par E-tumba permettent d’apporter plus de précision dans l’encadrement technique de façon à améliorer la productivité des producteurs, à améliorer les rendements et donc à sécuriser la source d’approvisionnement. Ce qui a pour conséquence une co-construction de l’expertise qui amène progressivement les producteurs à se professionnaliser.
Les outils et techniques d’E-tumba mis à la disposition des producteurs d’Afrique de l’Ouest sont essentiellement :
→ des modèles dynamiques : intégration de modèles de simulation de croissance des cultures pour prédire les rendements et optimiser les apports d’intrants (engrais, pesticides, eau) ;
→ des stratégies et systèmes de culture : définition du calendrier cultural et modélisation des stratégies et des systèmes de culture de chaque producteur ;
→ des dispositifs de simulation : simulation, génération de jeux de solutions possibles par rap-port à un objectif de production donné ;
→ des itinéraires techniques : définition des itinéraires techniques (technicien), des moyens de production du producteur ;
→ des dispositifs de production : contrôle d’une meilleure efficience des intrants pour un objectif de rendement donné (quantité et qualité) ;
→ des préconisations multi-modales : diffusion en temps réel de préconisations agronomiques multi-modales via des messages SMS, USSD, appels vocaux, courbes, graphiques, textes, tableaux, pictogrammes, représentations 3D ;
→ une plateforme robuste et performante, permettant de collecter les données en temps réel grâce à la télédétection réalisée par des satellites et les capteurs de terrain (station météo) ;
→ un dispositif d’intégration de modèles de simulation de croissance des cultures pour prédire les rendements et optimiser les apports d’intrants (engrais, pesticides, eau), etc.
Selon les projections de l’ONU, le monde comptera en 2050 près de 9 milliards d’individus, dont 2 milliards d’Africains. En Afrique de l’Ouest, une grande partie de la production est assurée par des petits producteurs familiaux qui représentent 60 % de la population active. De ce fait, c’est un secteur d’activité qui a une importance capitale pour les États. Avec des sols de qualité variable, un climat imprévisible et l’exigence de nourrir bientôt 2 milliards d’individus, de nouvelles méthodes de production doivent s’implémenter. Les changements climatiques rendent les rendements instables ; couplée à une population en croissance, la disponibilité alimentaire sera insuffisante à partir de 2030 (Ossami, 2019). À partir de ce constat, au lieu de suivre l’approche prescriptive du conseil agricole qui consiste à réunir les gens dans le même village pour donner le même conseil, il faudra spécifier les conseils en tenant compte des caractéristiques de chaque exploitation. C’est avec cette vision qu’E-tumba a été créée. Les producteurs disent souvent qu’ils sont différents, qu’ils ont des objectifs différents, ne font pas les mêmes choses au même moment et ont donc envie de recevoir un conseil individualisé. La question de savoir comment ce conseil peut être assuré se pose par conséquent. À l’échelle humaine, ce n’est pas possible matériellement parce qu’un conseiller agricole ne peut pas s’adresser à mille ou deux milles personnes individuellement. S’il s’adresse à tous, c’est que le conseil n’est pas efficace, il ne donne pas le conseil nécessaire et spécifique à chacun.
Par ailleurs, aujourd’hui, l’Afrique a une forte pénétration de technologie mobile et de nouvelles innovations dans le domaine de la recherche agronomique qui permettent d’optimiser les choses sans pour autant faire de grosses révolutions en termes de technologie. Donc si on combine l’aspect mobile et les innovations agronomiques, les conditions sont réunies pour des conseils individualisés et spécifiques à la parcelle. C’est de ce constat qu’est parti E-tumba pour s’intéresser à la parcelle, essayer de regarder ce qui se passe et rendre le conseil pertinent, opportun et individualisé (Ossami, 2019).
Selon certains acteurs, l’Afrique a donc intérêt à pratiquer l’agriculture de précision, pour que son secteur agricole soit économiquement, écologiquement et socialement viable. Pour cela, il est impératif d’avoir une bonne connaissance du terrain.
Conçue pour les fermes industrialisées, l’agriculture de précision présente maintenant la possibilité d’accroître la productivité des petits exploitants agricoles, tout en améliorant l’efficacité de l’utilisation des intrants.
Son application s’est principalement limitée aux exploitations agricoles à grande échelle des pays développés. Les capteurs équipés de GPS sur les tracteurs, par exemple, permettent aux agriculteurs de mesurer la variabilité du sol et de s’y adapter sur de vastes étendues de terres, et de diffuser les bonnes quantités d’engrais et d’eau exactement aux endroits nécessaires. Pendant de nombreuses années, cette technologie a été largement considérée comme inappropriée pour les petits exploitants agricoles des pays en développement. Quelle pourrait être la variabilité sur un terrain de deux hectares ? Comment des agriculteurs pauvres comme ceux d’Afrique de l’Ouest auraient-ils les moyens de s’offrir cette technologie ?
De plus en plus d’études soutiennent néanmoins maintenant l’idée que les petits agriculteurs peuvent aussi profiter de l’agriculture de précision. Une des raisons qui expliquent cette évolution est une plus grande prise de conscience de la variabilité possible, même sur la plus petite parcelle de terrain. La technologie qui a stimulé l’agriculture de précision dans les pays du Nord devient plus largement accessible du fait du fort développement des compagnies téléphoniques en Afrique. Par exemple, un nouvel appareil de poche, connu sous le nom de GreenSeeker, est utilisé pour mesurer l’état de santé et le taux d’azote des plantes, ce qui permet aux agriculteurs de faire des évaluations plus précises des besoins en engrais.
Faut-il des politiques incitatives en faveur de l’agriculture de précision en Afrique de l’Ouest ? Selon E-Tumba, l’une des politiques à favoriser est la sécurisation du foncier, parce qu’en Afrique ce problème se pose avec plus d’acuité : un producteur qui plante sur un terrain n’aura pas toujours la chance de le refaire au même endroit l’année suivante. La sécurisation du foncier permettra aux producteurs de faire des investissements dans leur exploitation. Une fois le foncier sécurisé, il faut permettre aux producteurs d’accéder aux crédits pour s’acheter cette technologie. Il faut aussi un accès au marché, des politiques qui valorisent les terroirs et leurs produits comme en France, où certains produits ont une appellation d’origine protégée, parce qu’ils ont été produits dans un terroir avec un savoir-faire particulier.
Des politiques de formation et de renforce-ment des capacités des producteurs leur permet-traient également de s’approprier et d’utiliser au mieux cette technologie. C’est vers cette vision que l’Afrique doit tendre.
En ce sens, des initiatives émergent pour soutenir le développement de l’agriculture numérique en Afrique. L’association Digital Africa, lancée par l’Agence française pour le développement (AFD) dispose d’un fonds de 65 millions d’euros pour accompagner les initiatives innovantes pour l’agriculture sur tout le continent africain.
Digital Green, une organisation à but non lucratif née en Inde à la suite d’un projet de Microsoft Research, a essaimé dans plusieurs pays d’Afrique (Éthiopie, Malawi, Niger, etc.). Elle mise sur les tutoriels vidéo pour permettre aux agriculteurs de partager leurs connaissances et découvrir de nouvelles pratiques dans leur langue. En Éthiopie, Digital Green a ainsi touché près de 400 000 fermes.
Fin 2018, la Banque mondiale a créé un observatoire de l’agriculture, qui collecte et partage les données agrométéorologiques afin de détecter les risques sur les récoltes et éviter les famines. Pour elle, le numérique favorise l’accès des agriculteurs au capital et aux ressources à travers la location plutôt que l’achat d’équipement, facilite l’intégration des petits producteurs dans la chaîne de valeur par le biais du commerce en ligne et la vente directe, et permet l’agriculture de précision, qui préserve les ressources naturelles.
D’autres sociétés privées africaines, comme Esoko au Ghana par exemple, ont basé leur développement sur la technologie la plus accessible aux agriculteurs du continent : le téléphone mobile et surtout les SMS. Cela permet d’accéder à l’information sur les prix, à des prévisions météo, des conseils d’agronomes ou la mise en relation entre acheteurs et vendeurs. D’autres sociétés développent des activités similaires au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Niger, etc.
Le bilan que l’on peut faire au terme de cette étude est contrasté. L’agriculture de précision, dans ses développements les plus récents, offre des perspectives intéressantes et semble alors à même de pouvoir jouer un rôle dans le développement agricole en Afrique de l’Ouest. D’un autre point de vue, l’adoption de cette technologie complexe et parfois coûteuse n’est pas forcément une priorité pour les agriculteurs ouest-africains dans le sens où elle vise avant tout à permettre une optimisation de la gestion des intrants qu’ils assurent déjà.
Il nous semble cependant que dans la perspective d’un renforcement de l’efficience de l’agriculture, il est nécessaire d’améliorer le niveau d’information de tous les agriculteurs de la planète sur les possibilités qu’offre la technologie actuelle et de renforcer les systèmes d’innovation existant autour d’eux. Les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest pourraient alors décider d’utiliser ou non les solutions de l’agriculture digitale pour développer leur exploitation, ou encore s’en inspirer pour développer d’autres innovations plus endogènes.
Auteur : Noé Ndilmbaye