Accueil> Rencontres> Colloques annuels> 2020/ Alimentations et biodiversité : se relier dans la nature > L’Homme et la nature en BD
Alessandro Pignocchi, auteur de bandes dessinées
Alessandro Pignocchi nous emmène dans une autre cosmologie.
Quand on lit Descola, c’est un petit vertige intellectuel. L’anthropologie considère qu’une idée est pensable quand on peut imaginer son contraire, sinon elle est juste « évidente ». La distinction nature-culture est pour nous tellement évidente que la question ne se pose pas. Quand on apprend que la nature n’existe pas et qu’on se rend compte qu’on se dit passionné d’une construction sociale qui n’a pas l’objectif qu’on lui a donné, c’est un choc. En Amazonie, aucun mot désigne la nature. On s’aperçoit que l’intégralité de nos constructions sociales sont étayées par la distinction nature-culture (travail, progrès, …). Les indiens d’Amazonie sont extrémistes d’un relativisme perspectif (chaque être selon sa perception façonne un monde différent). Pour Descola, le fait que considérer qu’il y ait la nature fait qu’on met à part les écosystèmes, les animaux, les végétaux et qu’on leur attribue un statut d’objet (concept occidental de nature). Tous les non-humains sont rejetés dans la sphère autonome des objets et les relations avec eux sont de deux natures : soit l’exploitation soit la protection. Mais dans les deux cas de relation de sujet à objet, la nature remplit un rôle pour nous. En Amazonie, plantes et animaux pas mis à part de la vie sociale, ce sont des êtres avec une intériorité, des motivations propres (statut de sujet). Il s’agit d’interactions sociales de sujet à sujet (négociation, altération, alliance…), dans le registre du social.
Un autre choc : la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Sur les ZAD s’introduit une bascule dans le rapport au monde. Il y a plein de raisons d’émerveillement. Là-bas, ça va de soi que les non humains ne sont pas une ressource, qu’il ne faut pas les protéger. L’argument en termes de service écologique n’aurait pas de sens. Il y a un lien affectif avec la forêt, qui est une voisine plus qu’un lieu à protéger.Ce n’est pas un effort personnel, de l’écologie des petits gestes. Pourquoi ça s’est produit comme ça ? Il y a une mise à distance de la suprématie de la sphère économique. Établir relation sujet à sujet avec les non-humain, on le fait avec son chien, son ordinateur portable quand il nous énerve. Mais ces petits moments font office d’exceptions dans un monde de sujet à objet (relations instrumentales). Le gros verrou est la sphère économique. On a des faits économiques purs, car dans les sociétés traditionnelles, les transactions économiques ne se limitent pas à cela, ça déplace les solidarités et s’inscrit dans la vie sociale. La suprématie économique surplombe la vie sociale. Sauf qu’une sphère économique ne comprend que des objets, dont la valeur est chiffrée et interchangeables. Alors que quand on attribue une valeur de sujet, il n’est plus interchangeable. Sur une ZAD, les mécanismes d’aides et d’entraides sont remis sur le devant de la scène, et toutes les activités productives sont extraites de la logique de profit (agriculture, élevage, forge, scierie, boulangerie…).