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Damien Conaré et Nicolas Bricas
Novembre 2024
En octobre dernier, la Chaire UNESCO Alimentations du monde était présente au Salon international de l’alimentation (SIAL) pour la co-organisation du « Summit Afrique » sur le thème « Quand les Afriques inventent leur alimentation du futur ». Ce rendez-vous au SIAL marquait une nouvelle étape dans notre parcours africain, après notre contribution en mars dernier aux « Rencontres des cuisines africaines » à Marseille, et avant notre prochain colloque annuel consacré aux « alimentations africaines » qui se tiendra le vendredi 07 février 2025 à L’Institut Agro Montpellier.
Au SIAL, nos débats ont porté sur les questions d’emplois, de financements, d’entrepreneuriat agroalimentaire et de patrimoines culinaires. Cela en considérant que le continent africain ne peut pas se réduire à celui de la pauvreté et des conflits, ou à celui des nouveaux marchés économiques que le développement de sa classe moyenne urbaine fait espérer. De fait, les Afriques, car le continent est très divers, revendiquent leur souveraineté alimentaire et leur capacité à inventer leurs alimentations du futur, tant dans les modèles d’entreprises, les produits et les gastronomies. L’innovation est partout - chez les artisanes, les nouvelles PME, la restauration populaire - et les façons dont s’organise le secteur agro-alimentaire constituent des réponses inspirantes face aux défis démographiques, économiques, climatiques ou encore sanitaires auquel doit faire face le continent.
À l’horizon 2050, l’Afrique devrait compter plus de deux milliards d’habitants, dont la moitié aura alors moins de 25 ans, ce qui pose l’urgente question de la capacité de son économie à absorber les millions de nouveaux entrants sur le marché de l’emploi. Il est aujourd’hui estimé que l’Afrique doit créer 30 000 emplois par million d’habitants chaque année en raison de cette croissance démographique. Les secteurs agricoles et alimentaires, en première ligne face à ce défi, connaissent une difficulté majeure, celle de mobiliser suffisamment de financements pour soutenir les très nombreuses petites entreprises de transformation, distribution et restauration, pourvoyeuses d’emplois, notamment pour les femmes. Des emplois encore largement informels, mais qui jouent un rôle crucial pour l’approvisionnement alimentaire : alors que les villes africaines ont connu depuis cinquante ans une croissance démographique bien supérieure à celle des villes européennes lors de la révolution industrielle, elles n’ont jamais eu à souffrir de pénuries de nourriture (sauf en cas de conflit). À cet égard, le projet AfriFoodLinks dans lequel nous sommes investis vise à améliorer les environnements alimentaires d’un certain nombre de villes africaines.
Aujourd’hui, une jeune génération d’entrepreneurs investit le secteur alimentaire. Souvent internationalisée et connectée, elle incarne de nouvelles perspectives pour les filières agroalimentaires, notamment en valorisant des productions locales. Une façon de revisiter un patrimoine riche et divers en produits, associé à une forte dynamique des cuisines africaines. Ces dernières se réinventent en s’inspirant de références locales et extérieures et se diffusent sur le continent : ceebu jën sénégalais, garba d’Abidjan, babenda de Ouagadougou, kwanga batéké de Kinshasa... Et en dehors du continent également, les cuisines africaines rencontrent un succès grandissant pour différentes raisons : l’attrait de la nouveauté dans l’histoire internationale de la gastronomie ; la redécouverte de produits alimentaires aux riches vertus nutritives (fonio, fruit du baobab, moringa, etc.) et une diaspora présente un peu partout dans le monde. Autant de points que nous aborderons lors de notre 14e colloque annuel auquel nous vous donnons d’ores et déjà rendez-vous…