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De la nécessité de reconnaître un droit à l’alimentation en France

Par Marie Walser

Mars 2025

Le 19 février dernier s’est tenu à l’Assemblée nationale un colloque intitulé « Transformer les systèmes alimentaires par le droit à l’alimentation », auquel nous avons pu participer. Organisé par les députés Boris Tavernier, Guillaume Garot et Éléonore Caroit, par la docteure en droit public Magali Ramel et par Action contre la Faim, l’événement avait pour objectif de présenter les enjeux de l’adoption, en France, d’une loi-cadre sur le droit à l’alimentation.

Alors que les défis sociaux et environnementaux auxquels font face nos systèmes alimentaires continuent d’être éludés par une partie de la classe politique – au prétexte d’impératifs soi-disant « stratégiques », comme en témoigne le contenu du tout récent projet de loi d’orientation agricole –, la reconnaissance d’un cadre normatif contraignant, qui « oblige » l’État à organiser la transformation juste et durable des systèmes alimentaires à partir d’un droit à l’alimentation, paraît plus que jamais nécessaire.

Rappelons que le droit à l’alimentation est reconnu comme un « droit fondamental » dans le droit international. Il a pour socle le respect des droits humains et porte une ambition qui va bien au-delà du seul objectif de mettre les individus à l’abri de la faim. En effet, d’après Olivier De Schutter, ancien rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, l’accès à l’alimentation doit non seulement être satisfait, mais il doit aussi concerner une « nourriture adéquate, culturellement acceptable, qui soit produite et consommée de façon durable ». Une définition qui traduit bien la dimension systémique et multidimensionnelle du droit à l’alimentation.

Dans le monde, 173 États (dont la France) se sont engagés à respecter, protéger et réaliser un droit à l’alimentation. Mais en pratique, nous a-t-on rappelé lors du colloque, seule une poignée de pays se sont véritablement dotés d’un cadre juridique visant à garantir ce droit par le biais de leurs politiques nationales et locales. Parmi eux, on peut citer en exemples le Mexique, qui fait l’objet du premier numéro de notre série Grand Angle, mais aussi le Brésil, l’Écosse ou, plus près de chez nous, la ville de Genève. Un certain nombre de travaux de référence pourraient guider le cadrage législatif d’un droit à l’alimentation. On pense à ceux de la FAO bien sûr, mais aussi aux récentes publications de FIAN Belgium ou d’Action contre la Faim.

Concrètement, l’adoption d’une loi-cadre sur le droit à l’alimentation conduirait à la révision et à la mise en cohérence des différentes législations et politiques sectorielles relevant de son champ d’application. Lors de l’événement, plusieurs personnalités du monde politique, de la société civile et de la recherche ont montré comment ce projet viserait à la fois une meilleure protection des droits des travailleurs des systèmes alimentaires, un accès de toutes et tous à une alimentation durable ou encore l’instauration de règles plus justes en matière de commerce international.

L’approche de l’alimentation par le droit reflète finalement un changement de paradigme que beaucoup appellent de leurs vœux : l’alimentation ne peut pas, et ne doit plus, être considérée comme une ressource stratégique pour les États, comme une marchandise source de profits pour les acteurs privés ou encore comme un privilège réservé aux mangeurs les plus aisés. C’est un bien commun et un droit humain que le fonctionnement des systèmes alimentaires devrait avoir pour seule finalité de garantir.

En attendant la reconnaissance effective d’un droit à l’alimentation, les politiques nationales et initiatives locales peuvent chercher à se conformer volontairement aux droits humains, en s’appuyant par exemple sur les sept principes PANTHER développés par la FAO que sont la participation, la redevabilité, la non-discrimination, la transparence, la dignité humaine, le pouvoir d’agir et l’État de droit. La Caisse alimentaire commune de Montpellier, une expérimentation locale de démocratie alimentaire inspirée du projet politique de Sécurité sociale de l’alimentation, répond à chacun des sept principes et se révèle à cet égard particulièrement riche. Y compris en émotions, comme l’a attesté la journée du 05 décembre dernier consacrée à la présentation des premiers résultats d’analyse de l’expérience...